Lundi 22 nov. - J+8

Record du monde

Le banc
Le fameux banc de Bobby (lisez le compte-rendu !)

Le record du monde de l'épreuve est détenu par le français Fabrice Lucas. Il est de 8 jours 8 minutes et 26 secondes. Autant dire, 8 jours. Il date de 1997. À 9h du matin heure locale, on saura s'il est tombé ou pas. Et tout le monde sur la piste - et moi donc - saura pourquoi c'est difficile d'accrocher un temps pareil.

J'aurais aimé vous suggérer la lecture de l'excellent compte-rendu de cette course (celle de 1997) par Bobby Brown, sur son site, mais la page semble avoir disparu. Pour mémoire, avant que Google la retire de son cache, je l'ai capturée et copiée/collée ici .


J9, le live - Valérie

La journée du lundi commence sans que celle du dimanche se soit finie, puisque Christian a choisi de ne pas dormir. Il se traine à 27 min au tour, il fait quelques pauses pendant lesquelles il s'endort toujours instantanément, les pieds surélevés grâce à l'utilisation judicieuse d'une chaise. Tout le monde en a plein le dos, et Vincenzo, qui n'a pas encore fini le vélo, déclare que c'est son dernier déca. Même s'il y en a un d'organisé en Sicile l'an prochain ? En effet, le bruit court dans les rangs. En fait, c'est Monterrey qu'il ne veut plus voir : en un quintuple et cinq décas, il nous le confirme : il connaît chaque centimètre de cette piste.

Christian se traine pendant toute cette fin de nuit. Il n'en peut plus des klaxons incessants des trains. Tenter l'accélération, c'est comme souffler dans un ballon percé. Et puis surtout, il est seul, même si je fais quelques tours avec lui. "D'accord, je veux bien être seul 5h, OK. Mais 15h, non, c'est trop !" Ici, c'est 10 fois trop long, paraît-il, en ce lundi matin.

Ampoule
La belle ampoule qui plaît tant à Wayne.

Heureusement, les athlètes commencent à revenir sur la piste. D'abord David et Christian prend immédiatement le train, c'est-à-dire qu'il lui emboite le pas pour faire un tour ensemble. Ensuite, David s'arrête, mais Roger arrive en piste. Changement de train, correspondance en gare des ravitos.

Christian veut savoir combien de tours il lui reste et je suis déçue de lui annoncer 29. En effet, la première fois que je lui avait donné un nombre de tours restants, c'était 78 tours. Puis vinrent les 45 tours. Et j'avais raté les 33 tours. Bon, Christian préfère quand même 29.

Dominique est enfin arrivé lui aussi, pour ses premiers pas sur la piste. David le déniaise, en français: "Tu vas par là, tout droit pendant 300m, tu verras, il y a un joli lac. Puis une petite montagne." Mouarf.

Moi, je suis crevée, je monte faire un somme dans la chambre. Quand je reviens, tout a changé : Christian fait des tours de 17 min et non plus de 27 ! Il a décidé de l'accrocher, le temps de moins de 200h. Son étincelle : il a récupéré musculairement, il a conscience que ses pieds ne s'amélioreront que quand ce sera fini, alors autant que ce soit le plus tôt. Bref, visiblement, la lenteur, c'est psychosomatique. Et puis les marques symboliques, il en a et il y tient : moins de 3h au marathon, moins de 10h aux 100km, plus de 200km aux 24h, plus de 800km aux 6 jours. Le moins de 200h au deca-ironman complèterait bien la série, non ?
J'apprendrai plus tard quelle a été l'étincelle qui a déclenché l'accélération : Ferenc, voyant Christian avancer en zombie sur la piste, lui aurait conseillé de se reposer. Christian a entendu cela comme un jugement d'échec quant à sa fin de course. Et ça, il ne pouvait pas l'accepter.

Christian
Christian donne tout jusqu'à la fin, maintenant.

La journée est chaude, certains pensent que c'est la pire de la semaine. Le soleil cogne affreusement. Mais enfin, ça y est, tous les déca-triathlètes ont fini l'épreuve de vélo ! Daniel en a terminé à 14h30.

Christian approche de la fin, les cyclistes du double-déca l'encouragent de plus en plus en le croisant. La décision de Christian est prise : il veut finir en offrant une glace à tous ceux qui le souhaitent et en groupe avec tous les déca-triathlètes. Il reste deux tours, Christian part faire l'avant dernier tout seul.

Beto me solicite immédiatement : c'est quoi l'hymne national Français ? Tu es capable de nous le trouver sur Internet ? J'ai une légère hésitation : et si je proposais la version chantée par Mireille Mathieu, plutôt que la version fanfare militaire ? Je n'ose pas. Christian me dira ensuite que j'aurais dû faire croire que notre hymne c'était "Aux armes, etc" de Serge Gainsbourg.

Enfin, je me dirige vers la boutique de glaces, de l'autre côté du parcours, laissant les triathlètes s'y rendre par la grande boucle. Ca faisait deux jours que j'achetais les glaces cinq par cinq. La vendeuse est toute surprise : tiens, aujourd'hui c'est huit ? Eh oui, mademoiselle, aujourd'hui est un grand jour ! Mais les autres, ils vont continuer à tourner en vélo pendant encore combien de temps ? Ah, ceux-là, c'est le double. Avec 3600 km de vélo et 844 km de course à pied, ils en ont jusqu'à la fin du mois.

La dernière demi-boucle est marchée en groupe : Sergio, David, Roger, Dominique, Jozsef, Christian et moi. Antal n'a pas compris le mot ice-cream. Roberto était tellement dans sa course qu'il n'a compris qu'à l'arrivée. Daniel n'a pas encore commencé effectivement la course à pied. Et Wayne est introuvable. L'émotion est importante. Sergio me vante les vertus de l'épopée sportive en groupe. David est le premier à féliciter Christian, qui le remercie pour ces jours de tirage de bourre. Ils se promettent de se retrouver à l'occasion...
Les double-décatriathlètes ne sont pas en reste, Eileen faisant sonner sa sonnette, Kim tapant dans la main de Christian.

Bobs
Les Français d'ores et déjà champions du monde des plus beaux chapeaux.

Et c'est l'arrivée, passage de banderole, Marseillaise, photos. Je suis à côté de Christian et me sens un peu bêbête quand on nous demande de lever les bras en l'air alors que je tiens encore un esquimau dans une main. Puis Andonie fait une accolade a Christian, Silvia Andonie aussi, félicitations de ceux qui n'avaient pas encore pris le temps de le faire.

Et on entre alors dans un monde étrange et absolument nouveau pour Christian comme pour moi. Deux journalistes l'interviewent, et je dois faire la traduction instantanée. Le plus difficile est de ne pas répondre directement à sa place, pour la plupart des questions : quand avez-vous commencé dans cette discipline ? Quel est votre entrainement ? Puis la question tant attendue : quand vous savez que le record du monde est si proche de votre performance, cela ne vous donne pas envie d'y revenir ? Oh, vous savez, il y a pensé un certain jour, pendant la course. Mais ça n'était pas possible, tout simplement.

Un journaliste anglais lui téléphone ensuite, et ce coup-ci, il lâche l'info : refaire un déca un jour ? C'est possible. Mais ça ne sera pas en 2011, car l'an prochain mon grand objectif c'est Paris-Brest-Paris en tandem avec ma femme.

Dans ce monde étrange des premiers, Christian doit aussi se soumettre au contrôle anti-dopage. La jeune doctoresse lui demande s'il a pris des médicaments, des compléments alimentaires, et est relativement surprise de l'entendre répondre non. En cherchant bien, on trouve deux crèmes : Nok et Mitosyl, et aussi un sachet de Smecta il y a deux jours. Mais c'est vraiment tout ce qu'on peut faire pour lui faire plaisir.
Et maintenant, l'épreuve du pipi. J'ai cru qu'il devrait boire toute l'eau du Mexique pour y arriver. Il a fallu une heure et demie de gavage à l'eau pour que Christian déclare enfin: "on peut aller aux toilettes." Car bien sûr, il n'a pas le droit d'y aller tout seul ou avec moi. Que de nouveautés pour nous.

Pour finir l'épreuve en beauté, Christian enlève ses chaussures et montre ses ampoules à Wayne, qui apprécie d'un grand rire le doigt en ampoule. Finalement me dira Christian, il n'a pas eu sa glace mais il a vu mes pieds.

Dominique avance et a réalisé son premier marathon. Il lui en reste neuf.

C'est la fin, Christian a apprécié les cinq parcours qu'il a vus : le vélo de jour, le vélo de nuit, la course à pied de jour puis de nuit, et enfin le tour final. Il paraît que ça n'a rien à voir. Mais surtout: "199h, ça arrache la chatte".

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Mis à jour le mercredi 01 décembre 2010.